La tolérance pour l'ambiguïté : un signe de maturité chrétienne
Au cours des années, j’ai été frappé par la façon dont notre attitude envers les désaccords théologiques est étroitement liée à notre tolérance psychologique pour l’ambiguïté.
Que je sois bien clair pour éviter tout malentendu : je ne parle pas de notre tolérance envers les opinions théologiques des autres. Je parle de notre disposition intérieure à tolérer psychologiquement ce que nous percevons comme étant des ambiguïtés en matière de foi, et à les considérer comme faisant partie de notre pèlerinage dans la foi, plutôt que de céder à la pression psychologique de trouver rapidement une réponse.
La lecture d’un livre il y a deux ans m’a particulièrement aidé : "Les étapes de la foi : le développement psychologique de l’homme et la recherche de sens".
Fowler y décrit 7 étapes du développement de la foi qui correspondent aux étapes du développement humain, de la naissance à la crise de la quarantaine, et au-delà. Les voici :
Etape 0 – La foi “primale ou indifférenciée” (les deux premières années de vie), est caractérisée par un apprentissage de l’environnement et de sa sécurité (recherche de chaleur et de soin). Si on est correctement nourri, on développe un sentiment de confiance et de sécurité envers l’univers et le divin (et inversement dans le cas contraire). La transition vers l’étape suivante s’effectue grâce à l’intégration de pensées et de langages qui facilitent l’utilisation de symboles dans la communication verbale et les jeux.
Etape 1 – La foi “intuitive-projective” (de 3 à 7 ans), est caractérisée par l’exposition non protégée du psyché à l’Inconscient, et est caractérisée par une fluidité relative des schémas de pensée. La religion est principalement acquise au travers des expériences, des histoires et des images, et des personnes qui entrent en contact avec moi.
Etape 2 – La foi “mythique-littérale” (école primaire). On acquiert une croyance forte dans la justice et la réciprocité de l’univers, et les divinités sont surtout anthropomorphiques. Pendant cette période, les métaphores et le langage symbolique sont souvent interprétés de façon littérale.
Etape 3 – La foi “synthétique-conventionnelle” (adolescence, de 12 ans à l’âge adulte) est caractérisée par la conformité à l’autorité religieuse et le développement d’une identité personnelle. Tout conflit interne à la foi est ignoré par peur d’un manque de cohérence.
Etape 4 –La foi “individualisante et réflexion” (généralement de ma mi-vingtaine à la fin de la trentaine) est une étape de peur et de combat. L’individu prend des responsabilités personnelles pour assumer ses propres croyances et sentiments. Puisque la personne est capable de réfléchir, il y a une ouverture à une nouvelle complexité de la foi, mais aussi une prise de conscience croissante de conflits internes à sa propre foi.
Etape 5 – La foi “conjonctive” (crise de la quarantaine) reconnaît le paradoxe et la réalité transcendante derrière les symboles hérités d’un système théologique. L’individu résout les conflits des étapes précédentes par une compréhension complexe d’une « vérité » multidimensionnelle et interdépendante qui ne peut pas être expliquée par une quelconque affirmation particulière.
Etape 6 – La foi “universalisante” , que certains appellent parfois « éclairée ». L’individu traite toute personne avec compassion parce qu’il ou elle voit les autres en tant que membres d’une communauté universelle, qui devraient être traités avec des principes universels d’amour et de justice.
Fowler ne dit pas que ces étapes de développement de la foi avancent au même rythme que notre développement psychologique global - on peut être au stage 5 dans sa trentaine ou au stage 4 dans sa cinquantaine.
Ce ne sont pas des catégories rigides, mais plutôt des traits regroupés entre eux qui rendent compte du développement psychologique en général et peuvent être transposés en matière de foi.
Avec ce schéma en tête, pourrait-on affirmer que l’intolérance pour l’ambiguïté est l’une des causes principales d’émergence des conflits théologiques, et ce schéma pourrait-il nous fournir des remèdes ?
La fidélité envers une position théologique pourrait-elle être la marque d’une incapacité psychologique à tolérer l’ambiguïté théologique, plutôt qu’une marque de fidélité ou de courage - le signe qu’on voit le monde en terme « mythique-littéral » (étape 2) ou « synthétique-conventionnel » (étape 3) ?
Cette marque devrait-elle être considérée comme un signe de maturité et de qualification au leadership ou bien l’inverse ?
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