Jésus et la religion


Au commencement, le christianisme s’est proposé comme une entreprise de désacralisation. Jésus a banni toute idée de Terre sainte, de sanctuaire, le religieux n’est pas lié à un lieu, que ce soit le mont Garizim ou le temple de Jérusalem pour reprendre la réponse de Jésus à la femme samaritaine (Jn 4,21).

La parole des évangiles tourne le dos aux reliques et à toute notion de hiérarchie, et pourtant que trouve-t-on deux cents ans après ? Des lieux saints, des maisons-dieu, une hiérarchie ecclésiale. Tout ce qui était rejeté revient. Je dis alors qu’il ne suffit pas de déclarer qu’on se déleste du sacré pour s’en débarrasser. Le sacré est un invariant anthropologique.

On peut bien supprimer Dieu, le sacré demeure. J’ai découvert qu’en Union soviétique, pays de l’athéisme officiel, la sacralité est omniprésente : les icônes des membres du politburo, le mausolée de Lénine, le hiératisme des postures, la déification des héros fondateurs relèvent du sacré le plus immémorial et souvent le plus vulgaire.

Le retour du sacré touche aussi les religions. Le judaïsme a entrepris une grande entreprise de désacralisation à travers le combat contre l’idolâtrie, et pourtant on voit aujourd’hui à Jérusalem des gens se prosterner devant des pierres. Même les protestants se rassemblent dans un lieu qui n’est pas comme les autres, le musée du Désert.

Régis Debray

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