Le darwinisme est-il encore d'actualité ?

Il s’agit ici de montrer que la science n’explique pas tout, et que le hasard, auquel se réfère le savant pour expliquer certains phénomènes qui présentent une apparence de finalité, n’est peut-être en réalité qu’un « bouche-trou » qui ne sert en réalité qu’à masquer Dieu. Prenons l’exemple du débat entre le néo-darwinisme et la théorie de l’intelligent design. Personnellement, je suis partisan d’un évolutionnisme théiste, autrement dit je crois à la « macro-évolution », même si je suis tout à fait persuadé que si évolution il y a, celle-ci est néanmoins finalisée, autrement dit je suis intimement convaincu qu’il y a un « dessein intelligent de la vie », et que l’évolution ne peut s’expliquer par la seule conjugaison des mécanismes du « hasard » et de la « sélection naturelle ». Pourtant, je ne pense pas que la théorie de l’ID soit une théorie scientifique, c’est-à-dire une théorie qui puisse être validée par les procédures de vérification propres à la science moderne. En d’autres termes, tant que la biologie pensera à l’intérieur d’un paradigme mécaniste, le néo-darwinisme restera la théorie gardant toujours la plus grande valeur scientifique. Mais les hommes de science, précisément parce qu’ils ne sont plus philosophes, n’ont pas toujours conscience que l’objectivité scientifique n’est elle-même qu’une représentation, et qu’elle se constitue en faisant abstraction de tout ce qui, dans le réel, n’est pas « objectivable » (c’est-à-dire mesurable et quantifiable), ce qui est le cas de la finalité, et c’est pourquoi l’explication scientifique reste nécessairement une explication partielle du réel. Descartes, l’un des pères de la science moderne, qui élaborera le modèle de la « machine », développe ainsi une conception purement mécaniste du vivant, qui évacue toute référence à la notion de finalité, suspecte de réintroduire une dimension « théologique ». Mais il a parfaitement conscience que cette conception mécaniste, qui évacue les causes finales, n’est qu’un « modèle », une « fiction » qui nous permet, certes, de comprendre le fonctionnement interne du vivant, mais que la connaissance que l’on acquiert de celui-ci grâce à ce « modèle », ne constitue nullement une connaissance ontologique du vivant, car même s’il pense que le mécanisme est suffisant pour rendre compte du mouvement des animaux, il considère seulement que la finalité relève du dessein de Dieu et que notre connaissance n’a pas le pouvoir de la deviner, et c’est pourquoi il montre, pour des raisons qui sont liées aux « présupposés méthodologiques » de la science moderne, que seule la causalité mécanique peut être prise en compte par la science, car la finalité, tout comme la vie elle-même, ne peut s’éprouver que subjectivement et échappe, pour cette raison, à l’objectivation techno-scientifique – d’où l’évacuation par la science moderne des « causes finales » qui étaient encore au fondement de la biologie et de la physique aristotélicienne. Il s’ensuit que la science ne pourra jamais proposer, du fait de son athéisme méthodologique, qu’une explication strictement « mécaniste » et « matérialiste » du vivant et de l’évolution, sur le modèle de l’explication « darwinienne » ou néo-darwinienne. On ne peut reprocher à la science cet athéisme purement méthodologique, si du moins elle le reconnaît humblement et ne confond pas le « modèle explicatif » avec la réalité, en rappelant constamment qu’elle ne prétend pas dire la vérité du réelmais qu’elle se propose seulement de l’objectiver dans une « représentation épurée » qui n’épuise aucunement cette réalité. Il n’y aurait aucun problème si le savant reconnaissait que cette explication reste partielle, qu’elle n’épuise pas le réel (vu qu’il ne s’agit que d’une « représentation ») et que la valeur scientifique d’une théorie n’est aucunement l’indice de sa vérité, c’est-à-dire de son accord avec la réalité, vu que le réel « connu » et « objectivé » par la science est une « modélisation » (une épure « fictive ») qui ne coïncide pas avec le réel tel qu’il est en soi.
En d’autres termes, on peut très bien reconnaître la grande valeur scientifique de la théorie darwinienne de l’évolution, tout en reconnaissant que le darwinisme est probablement insuffisant du point de vue de sa vérité ontologique, car il y a des « faits » dont il ne rend pas compte. Prenons l’exemple de la vision qui, à un certain degré de développement du vivant, apparaît sur toutes les branches de l’évolution, alors même que la vision n’était pas préformée dans la souche commune qui sépare les différents embranchements et que d’autre part, on n’a pas retrouvé de « cadavres » de vivants n’ayant pas bénéficié de cette modification, et ayant été éliminés par la sélection naturelle pour cette raison. Le darwinisme expliquera la vision par une série de modifications accidentelles successives, qui ont progressivement conduit à l’apparition de l’oeil, et comme l’oeil était un avantage pour l’individu qui a bénéficié de cette modification, ceux qui n’ont pas bénéficié de l’apparition de cet organe ont été éliminés par la sélection naturelle. Mais le « philosophe-métaphysicien » répondra au « scientifique » qu’expliquer la vision par la « structure » des différentes parties matérielles de l’oeil est une explication sans doute scientifique, mais très insuffisante du point de vue rationnelcar si le hasard a pu produire cette « merveille » qu’est la « vision » sur une branche de l’évolution, comment expliquer alors (c’était déjà l’une des plus grosses objections de Bergson au darwinisme, dans son Evolution créatrice !) que les mêmes séquences évolutives se reproduisent à l’identique, et dans le même « ordre », sur presque tous les différentes « branches » de l’évolution, et ce alors même que l’oeil n’était pas préformé en germe dans la « souche commune » qui précède la distinction de ces différents embranchements ? Un hasard qui se répète indéfiniment (sur presque toutes les branches de l’évolution !) ne peut plus être, justement, un « hasard » (à moins de faire du hasard une sorte de Dieu) : le propre du hasard est précisément de ne pas se répéter, comme le disait déjà Aristote, car la probabilité de cette répétition à l’identique sur toutes les branches de l’évolution avec le seul « hasard » pour principe explicatif, est tellement « infime » qu’il faut avoir une foi vraiment incroyable pour croire à la validité ontologique du modèle explicatif darwinien ! De cette vraiment très grande foi dont font preuve les darwiniens à l’égard de la « puissance » qu’ils attribuent au hasard, j’avoue que je m’en sens personnellement incapable, bien que je sois croyant par ailleurs !!!
Ce que suggère, de manière infiniment plus « rationnelle », ce « fait » est plutôt que l’apparition de l’oeil sur la plupart des branches de l’évolution répond bien à une intention de la vie, même s’il n’est pas possible, bien sûr, de prouver cette thèse scientifiquement, quoique la vérité de cette thèse est certainement plus assurée que celle du néo-darwinisme en tant qu’il nie qu’une quelconque finalité puisse être à l’origine de l’évolution. Cela n’empêche pas qu’il me semble juste de parler d’intelligence de la vie ou de dessein intelligent. Mais l’erreur des promoteurs de cette théorie est de vouloir lui conférer une valeur scientifique qu’elle n’a pas, alors qu’ils feraient mieux de démontrer aux darwiniens que sa non-scientificité n’est nullement l’indice de sa fausseté – et qu’inversement, la scientificité de la thèse de Darwin n’est nullement l’indice de sa vérité sur le plan ontologique, même si elle explique partiellement certains mécanismes de l’évolution. Si les scientifiques darwiniens n’étaient pas aveuglés par la confusion de l’objectivité scientifique et de la réalité, ils devraient reconnaître, de manière beaucoup plus humble, que l’explication qu’ils proposent reste elle-même « partielle », et qu’il est possible, voire nécessaire, de la compléter par une explication « métaphysique », comme celle de l’ID, qui ait recours à la finalité. C’est exactement ce que faisait Leibniz, ce grand savant, dès le XVII e siècle : tout en montrant que les causes matérielles et efficientes (les seules que la science reconnaisse) peuvent rendre compte de ce phénomène qu’est la « vision », Leibniz ajoutait néanmoins que l’on peut concilier cette explication (à laquelle s’en tiendra le savant qui entend rester dans son domaine) avec l’idée que c’est en vue de la vision que l’assemblage des différentes parties de l’œil s’est progressivement faite de manière à produire cet « effet » qu’est la vision, en sorte que du point de vue métaphysique, les causes matérielles qui produisent la vision (explication scientifique) sont des « moyens » pour parvenir à cette « fin » (la vision) que la vie semble viser dans son évolution.
C’est donc la fin qui commande l’organisation des moyens et leur réunion, exactement comme dans un mécanisme de type cybernétique : en prenant l’exemple du thermostat, on peut expliquer mécaniquement, le maintien de la chaleur du local à température constante, malgré l’intervention d’une variable extérieure accidentelle (par ex, si j’ouvre la fenêtre, ce qui entraîne un refroidissement de la pièce), ce qui augmentera alors le tirage du thermostat sans l’intervention de l’homme, par des moyens mécaniquement réglés (c’est d’ailleurs ainsi que l’on a pu expliquer des phénomènes, comme « l’homéostasie », qui semblaient autrefois être spécifiques aux vivants, et semblaient attester, du même coup, de l’existence d’une « finalité interne »). Mais si le savant s’en tiendra à cette explication, qui est valable à son propre niveau (celui de l’explication par des causes mécaniques), il « oublie » de dire que le thermostat a été conçu par un ingénieur qui a réglé celui-ci de manière à obtenir cette « finalité visée » qu’est le maintien de la température à une chaleur constante. Appliquons ce raisonnement à l’évolution, et nous dirons que les « moyens » ont été mécaniquement « réglés » en vue (finalité) de la vision, et que le hasard joue exactement le même rôle, dans l’évolution, que l’ouverture de la fenêtre, suscitant une réaction interne pour favoriser l’adaptation : le vivant semble donc bien être « programmé » dans son code génétique pour s’adapter à une situation nouvelle, qui inclut l’intervention du hasard et des variations accidentelles de son patrimoine génétique, ce qui confirme, si besoin était, qu’il ne subit pas passivement son évolutionmais que le hasard y est bien ici dominé par la finalité. Savoir par qui le vivant a été ainsi programmé est une question qui ne relève ni de la science, ni de la métaphysique, mais de la théologie. Seule la foi peut répondre à cette question, le métaphysicien se contentant de la « soulever » sans prétendre apporter de réponses, car celle-ci dépasse le domaine de ses compétences, tout comme l’explication métaphysique dépassait le domaine de compétence du savant, bien qu’il ne peut l’invalider ou la juger fausse sans outrepasser les limites du « niveau de rationalité » auquel la science, de par sa méthode, doit s’en tenir (si du moins elle veut éviter de tomber dans « l’idéologie scientiste », c’est-à-dire dans la réduction de la vérité ontologique du réel à l’objectivité scientifique).
Concluons brièvement : notre propos n’est pas ici de nous prononcer sur le débat micro-évolution ou macro-évolution. Il existe, en effet, des preuves assez fortes en faveur de la macro-évolution, mais rien ne nous permet de statuer, avec une certitude absolue, sur les conclusions que l’on peut tirer de ces « preuves ». Il faut donc rester prudent sur cette question, et je me garderai bien de prendre une position définitive et tranchée, car ce qui nous semble être une transformation des espèces les unes dans les autres n’est peut être que le fruit de la méconnaissance de capacités de variabilité interne à une espèce. Le fait que de nombreux scientifiques chercheurs en génétique et en biologie moléculaire rejettent aujourd’hui l’évolution doit nous amener à nous interroger sur la pertinence de ce modèle. Ce qui apparaît certain, par contre, c’est que la prétention à faire du hasard et de la sélection naturelle les seuls moteurs de l’évolution, comme le faisait Darwin, est sans doute une thèse qui, quand elle se fait passer pour une explication ontologique de l’évolution, nous semble totalement dogmatique, puisqu’elle ne permet pas de rendre compte de certains faits. La résistance de ces faits est ce qui doit nous obliger à un « changement de paradigme », pour reprendre une expression de Thomas S. Kuhn. Si la physique a déjà renoncé au « paradigme mécaniste », grâce à la physique quantique, il faudra bien que la biologie accepte un jour à son tour ce « changement de paradigme », qu’elle renonce à une explication mécaniste et matérialiste du vivant, et il est fort probable que, lorsque le « poids de l’idéologie » – qui fausse totalement le débat en France – cessera de faire peser sa chape de plomb sur la recherche scientifique, le darwinisme n’apparaîtra plus, d’ici quelques années, que sous la forme d’une simple « curiosité historique », relevant d’un âge désormais révolu.

(NDLR : ID = intelligent design)
Charles-Eric De Saint Germain   /   Source
   

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