Chrétien, ne joue pas au crétin
Le ciel, la terre et les autres éléments, les révolutions, la grandeur et les distancés des astres, les éclipses du soleil et de la lune, le mouvement périodique de l’année et des saisons ; les propriétés des animaux, des plantes et des minéraux, sont l’objet de connaissances précises, qu’on peut acquérir, sans être chrétien, par le raisonnement ou l’expérience. Or, rien ne serait plus honteux, plus déplorable et plus dangereux que la situation d’un chrétien, qui traitant de ces matières, devant les infidèles, comme s’il leur exposait les vérités chrétiennes, débiterait tant d’absurdités, qu’en le voyant avancer des erreurs grosses comme des montagnes, ils pourraient à peine s’empêcher de rire.
Qu’un homme provoque le rire par ses bévues, c’est un petit inconvénient ; le mal est de faire croire aux infidèles que les écrivains sacrés en sont les auteurs, et de leur prêter, au préjudice des âmes dont le salut nous préoccupe, un air d’ignorance grossière et ridicule. Comment en effet, après avoir vu un chrétien se tromper sur des vérités qui leur sont familières, et attribuer à nos saints Livres ses fausses opinions, comment, dis-je, pourraient-ils embrasser, sur l’autorité de ces mêmes livres, les dogmes de la résurrection des corps, de la vie éternelle, du royaume des cieux, quand ils s’imaginent y découvrir des erreurs sur des vérités démontrées par le raisonnement et l’expérience ? On ne saurait dire l’embarras et le chagrin où ces téméraires ergoteurs jettent les chrétiens éclairés.
Sont-ils accusés et presque convaincus de soutenir une opinion fausse, absurde, par des adversaires qui ne reconnaissent pas l’autorité de l’Écriture ? on les voit chercher à s’appuyer sur l’Ecriture même, pour défendre leur assertion aussi présomptueuse que fausse, citer les passages les plus propres, selon eux, à prouver en leur faveur, et se perdre en de vains discours, sans savoir ni ce qu’ils avancent ni les arguments dont ils se servent pour l’établir.
Augustin, De la Genèse au sens littéral, Livre I, 19.39 (an 383)
Source
Qu’un homme provoque le rire par ses bévues, c’est un petit inconvénient ; le mal est de faire croire aux infidèles que les écrivains sacrés en sont les auteurs, et de leur prêter, au préjudice des âmes dont le salut nous préoccupe, un air d’ignorance grossière et ridicule. Comment en effet, après avoir vu un chrétien se tromper sur des vérités qui leur sont familières, et attribuer à nos saints Livres ses fausses opinions, comment, dis-je, pourraient-ils embrasser, sur l’autorité de ces mêmes livres, les dogmes de la résurrection des corps, de la vie éternelle, du royaume des cieux, quand ils s’imaginent y découvrir des erreurs sur des vérités démontrées par le raisonnement et l’expérience ? On ne saurait dire l’embarras et le chagrin où ces téméraires ergoteurs jettent les chrétiens éclairés.
Sont-ils accusés et presque convaincus de soutenir une opinion fausse, absurde, par des adversaires qui ne reconnaissent pas l’autorité de l’Écriture ? on les voit chercher à s’appuyer sur l’Ecriture même, pour défendre leur assertion aussi présomptueuse que fausse, citer les passages les plus propres, selon eux, à prouver en leur faveur, et se perdre en de vains discours, sans savoir ni ce qu’ils avancent ni les arguments dont ils se servent pour l’établir.
Augustin, De la Genèse au sens littéral, Livre I, 19.39 (an 383)
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